• De Jacques Ranciere, philosophe

    "La démocratie comme idée du pouvoir de tous peut disparaître, sous une forme douce, se dissoudre dans ces oligarchies tempérées que nous connaissons en Occident. Beaucoup d'éléments sont réunis pour cela : la pression croissante du gouvernement économique mondial, la réduction de la scène politique au concours pour le choix du dirigeant suprême, la tendance à criminaliser les mouvements sociaux, à ramener grèves et manifestations à des rituels strictement réglés, et à rejeter toute contestation des formes dominantes du côté du sabotage et du terrorisme, le consensus intellectuel antidémocratique croissant. Mais, du même coup, nos oligarchies n'ont pas besoin d'un parti unique, sur le modèle chinois, pour faire marcher le système. Les moyens de suppression doux peuvent aboutir à des résultats globalement comparables à ceux qu'obtiendra, de son côté, le communisme "libéralisé" de la Chine. Ce qui peut s'y opposer, c'est seulement une force de pensée et d'action autonomes par rapport aux agendas étatiques."


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  • La gauche mal armée face au populisme lepéniste        La gauche mal armée face au populisme lepéniste

    Les réactions consécutives à la publication de sondages favorables à Marine Le Pen montrent que la gauche n'est de toute évidence pas outillée pour répondre à l'offensive de la candidate frontiste. Elle se cantonne dans un réflexe « antifasciste » épuisé au-delà de toutes limites depuis la substitution de l'idéologie antiraciste au logiciel socialiste après le tournant de la rigueur de 1983. Il n'est nul besoin d'être grand clerc pour anticiper que cette stratégie ne produira pas les mêmes effets que dans le passé. Pour deux raisons. Un, la percée de Marine Le Pen va provoquer des mouvements de panique parmi de nombreux élus de la droite parlementaire. Deux, le ralliement des « classes moyennes » aux classes populaires dans le refus de la globalisation financière risque de produire l'effet inverse que celui escompté par l'idée d'un « Front anti-fasciste ». Cette stratégie ne pourrait bien en dernier ressort n'apparaître que comme celle des professionnels du spectacle, des élites de la communication et des banques d'affaires, aux yeux de concitoyens certes sans projet de rechange, mais encore dotés d'un peu de bon sens. Pour paraphraser Marcel Gauchet, la « bonne conscience » n'est pas une politique.

    La gauche s'enfonce encore davantage dans le déni en faisant de Nicolas Sarkozy l'artisan principal si ce n'est unique du champ politique laissé béant pour Marine Le Pen. Cet espace n'est pourtant que la conséquence de la décomposition des élites. Ces dernières ont révélé leur incompétence par leur impuissance à enrayer la destruction de l'appareil industriel français, s'il ne s'agit pas purement et simplement d'un ralliement à la globalisation financière. Nos élites ont construit méthodiquement une véritable sécession idéologique et spatiale en stigmatisant les passions populaires et en concentrant le travail dans des « villes monde » productrices de l'idéologie sociale-libérale. Cette double dimension se trouve être partagée aussi bien par les élites de droite que par les élites de gauche, que Jean-Pierre Chevènement appelait déjà à la fin des années 1990 les « élites mondialisées ». On peut sans peine formuler l'hypothèse que leurs tendances inégalitaires ont été encore exacerbées lors de la dernière décennie (néo-conservatisme, sécession fiscale, sécession spatiale).

    La nasse dans laquelle se trouve la gauche française, et les difficultés qui s'annoncent pour elle lors de l'échéance de 2012 se nourrissent d'un évitement et d'une incompréhension, qui l'empêchent de vertébrer une candidature républicaine capable d'annihiler la redoutable offensive de Marine Le Pen.

    Tout d'abord, il est à craindre, comme le démographe Emmanuel Todd le déclarait récemment, que le Front National de Marine Le Pen ne soit le seul à faire l'effort de présenter un «programme économique raisonnable», après une révision notoire de ses orientations économiques. Les classes populaires et moyennes assistent impuissantes au rétrécissement de notre base industrielle, sous l'effet des délocalisations vers l'Asie et l'Europe de l'Est. Elles sont les vicitimes de l'absence de politique industrielle digne de ce nom, et de la surévaluation de l'euro qui pénalise lourdement la compétitivité de l'industrie française. La priorité d'une gauche de gouvernement responsable devrait être d'abord la mise en place d'une stratégie défensive, freinant la désindustrialisation autant qu'il est possible. (On notera ici qu'il est sans doute plus réaliste de freiner celle-ci que de « relocaliser », comme le croient naïvement des experts trop éloignés des froids calculs du marché).

    Cela exige de toute évidence une réorientation radicale de la gestion interne de la zone euro. Il faut convaincre les Allemands non seulement d'imposer un taux de change soutenable de l'euro par rapport au dollar et au yuan, mais également de réorienter la consommation intérieure de la zone euro vers le marché intérieur allemand. En d'autres termes, une baisse de l'euro et une relance des salaires en Allemagne. Or, celle-ci ne pourrait être acquise que par d'un bras de fer diplomatique avec le gouvernement allemand, que celui-ci soit dirigée par Mme Merkel ou par le SPD après les élections législatives de 2013.

    Et si l'Allemagne, pour des raisons qui lui sont propres, ne réussissait pas à «penser européen», ou si le déséquilibre industriel entre les deux pays ne permettait plus en dernier analyse à la France de peser face à son voisin, alors il faudrait un plan B à la France. Il consisterait à éviter à tout prix de nous voir arrimés à une zone euro en réalité zone mark, surtout si, d'aventure, étranglés par les marchés financiers, l'Espagne et l'Italie finissaient par quitter la zone euro, redevenant compétitives, et achevant de donner un coup mortel à l'industrie française, qui ne s'en relèverait pas. Cette hypothèse n'est pas si improbable. Elle est défendue dans des termes assez proches par de nombreux économistes (Jean-Luc Gréau, Christian Saint-Etienne, Patrick Artus), qui soulignent par ailleurs, mais c'est l'évidence même, que le financement du système de protection sociale dépend pour beaucoup de la base industrielle française.

    Si le Parti socialiste semble avoir compris depuis quelques mois qu'il fallait réindustrialiser la France, la faiblesse théorique et pratique de ses propositions n'en demeure pas moins patente. Elle s'explique par le refus d'affronter la réalité de l'échec de l'euro, agent accélérateur d'une désindustrialisation de nature catastrophique : l'industrie ne représente actuellement plus que 13% du PIB en France contre encore 30% en Allemagne. Le programme socialiste prône en outre une fuite en avant dans les chimères de l' « innovation », qui voudrait que l'Asie se contente d'être l'atelier du monde sans en être également le premier centre de recherche et développement. Nos modernes socialistes retrouveraient-ils le sentiment de supériorité coloniale de leurs glorieux ancêtres ? Peut-être, mais cette étrange défaite du PS sur le front de la pensée témoigne aussi d'une génération trop avancée dans ses échecs pour trouver les ressorts d'un rebond.

    Les principaux candidats déclarés ou présumés commuent ainsi dans un programme économique petit bras, arc boutés sur une vision technicienne d'une réforme fiscale déconnectée de la réalité de la globalisation financière, et vouant un culte à une sacro-sainte «innovation» inversement proportionnel à leur expérience concrète de l'innovation dans les entreprises.

    Mais quand bien même une réorientation significative de leur programme économique serait-elle engagée (on peut toujours rêver !) que la gauche n'en demeurerait pas moins dans l'impossibilité non de gagner l'élection de 2012 (la présence de Marine Le Pen au second tour étant le cas de figure visiblement privilégié par quelques « stratèges » paresseux) mais de gouverner la France dans la durée.

    « L'insurrection droitière » (selon l'expression de Gaël Brustier et Jean-Philippe Huelin dans leur essai « Voyage au bout de la droite » (Fayard, 2011)) se nourrit en effet, aux Etats-Unis et en Europe, du refus des dirigeants des partis « progressistes » de prendre en compte les «paniques morales» et le sentiment d'insécurité culturelle d'une large majorité des électeurs. De la quasi-disparition de la gauche italienne (qui servait pourtant encore de modèle à certains penseurs du Parti socialiste il y a peu), à l'effondrement de la social-démocratie autrichienne en passant par l'incapacité du SPD allemand de faire face à sa très forte érosion, c'est toute l'Europe qui se trouve dominée, dans son imaginaire, par des représentations collectives produites et nourries par la droite, et renforcées par le déni d'une gauche réduite au «bonisme». La campagne de Barack Obama en 2008 aux États-Unis, sous l'impulsion stratégique de David Plouffe et David Axelrod, a pu répondre partiellement à la question « What's the matter with Kansas » de Thomas Frank (« Pourquoi les pauvres votent à droite », Agone, 2008). Mais l'irruption du phénomène des « Tea parties » prouve que la contestation demeure à droite sur le sol américain, et sans doute pour longtemps encore. On n'efface pas en quelques mois une bataille culturelle perdue depuis plusieurs décennies.

    La gauche devrait réapprendre à produire du « commun », selon l'expression de Stéphane Rozès (séminaire de la Fondation Res Publica, « Que sont devenues les couches populaires ? » du 30 novembre 2009) c'est-à-dire un imaginaire collectif qui inclue les classes populaires et moyennes dans un projet pour l'avenir. Or, depuis longtemps, celles-ci se sentent ignorées ou méprisées par une gauche qui regarde la société française avec des œillères, résumant la question sociale à celle des banlieues à fortes populations d'origine immigrée. Calcul électoral ou déconnexion totale de la réalité sociale et spatiale française ? 85% des ménages pauvres n'habitent pas dans les « quartiers sensibles ». Une forte proportion habite en revanche dans les zones rurales et péri-urbaines, celles qui sont les plus éloignées des services de l'État et des politiques culturelles, et aussi les plus touchées par la désindustrialisation depuis les années 2000. Encore faut-il, pour être tout à fait juste, signaler que si le Parti socialiste ne s'adresse pas à ces citoyens qui sont aussi (s'ils ne s'abstiennent pas) des électeurs, la « gauche de la gauche » ne s'y intéresse pas davantage, pas même un Jean-Luc Mélenchon préférant parler de « petits blancs » que d'affronter politiquement la réalité française.

    Cette réalité est bien décrite par le géographe Christophe Guilluy dans « Fractures françaises » (Bourin éditeur, 2010). Il souligne le développement d'un « séparatisme ethnique » en milieux populaires qui répond aux effets de la délinquance et aux impasses du multiculturalisme concret : le multiculturalisme « à 1 000 euros par mois » n'est visiblement pas vécu de la même manière que celui « à 10 000 euros par mois », note-t-il avec une certaine acidité. L'« insécurité culturelle » produite par le basculement des populations de nationaux d'origine d'une situation de majorité à minorité relative dans certains quartiers sous l'effet du regroupement familial et de l'immigration illégale, opère mécaniquement un basculement vers la droite de concitoyens peu sensibles aux discours sur la « diversité ». Ils comprennent en effet intuitivement qu'il s'agit en réalité davantage de prêches de « croyants » du multiculturalisme que de «pratiquants».

    Nous touchons là le nœud du problème à gauche. Celle-ci semble avoir cessé d'imaginer construire une coalition sociale majoritaire qui lui permette de gouverner dans la durée, et refuse de voir que le séparatisme en milieux populaires, c'est-à-dire l'ethnicisation des préférences électorales, la condamne non seulement à demeurer structurellement minoritaire, mais encore à chercher des alliances électorales avec des forces d'appoints (aujourd'hui les Verts) qui aggravent encore davantage sa déconnexion d'avec les catégories populaires.
    Un candidat républicain à l'élection présidentielle de 2012 devrait pourtant articuler son discours autour de deux axes :
    - la réinsertion des classes populaires et moyennes dans la Nation (« nous ne vous abandonnerons plus »), impliquant que les élites assument leurs responsabilité en n'abandonnant pas leurs concitoyens pour l'hyper classe mondialisée, c'est-à-dire qu'elles redeviennent des élites protectrices.
    - la prise en compte de l'insécurité culturelle liée à l'immigration de peuplement, par la référence explicite à l'assimilation des populations immigrées, partiellement réalisée aujourd'hui, et qui constitue la clé d'un tassement des tensions ethnico-culturelles :
    « l'assimilation à la culture française, culture d'accueil, est le socle de notre projet culturel. Cette culture s'enrichit également de l'apport des nouveaux venus ». Ainsi la parole politique, loin d'exacerber les tensions, créerait un cadre référent dans la durée dans lequel nationaux d'origine et immigrés pourraient construire un avenir commun.

    Bref, pour tenir les « deux bouts » de l'équation politique, un candidat républicain devrait conjuguer une politique économique axée sur la sauvegarde de l'appareil industriel et son redéveloppement et un projet culturel assimilationniste, prenant en compte les tensions culturelles réelles à l'œuvre dans la société française. Telles sont les deux conditions de l'ouverture d'un espace politique susceptible de répondre à l'offensive idéologique de Marine Le Pen. L'énoncé de celles-ci décrit bien, hélas, le gouffre politique ouvert devant nous.


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    aux urnes Citoyens !

     

     Héritage de 1789, le département est un maillon utile et indispensable dans l'architecture institutionnelle et politique de la France. En matière d'aide sociale, d'éducation (collèges), de culture et de transports (voirie), les Conseils généraux sont en première ligne dans la mise en œuvre des politiques publiques. La remise en cause de leurs missions - à plus long terme de leur existence, à travers la reforme territoriale du gouvernement, viendra affaiblir les services publics et fragiliser l'équilibre institutionnel.

    Avant le grand rendez-vous de l'élection présidentielle en 2012, le scrutin départemental  des 20 et 27 mars prochain, est pour vous une opportunité à saisir pour faire entendre votre voix. Plus spécialement dans ce contexte de crises en cascades (subprimes, endettement et euro) qui fissurent notre modèle social et notre pacte républicain. La fuite en avant sur la monnaie unique (avec la politique de l'euro cher) est de ce point de vue, une illustration de la faillite de nos élites. Les recettes libérales ou sociales libérales ont encouragé la mondialisation financière. Elles ont rendu les armes face à la désindustrialisation et aux délocalisations. Elles ont paupérisé la masse des citoyens qui vivent de leur travail et enrichi quelques privilégiés qui vivent de celui des autres.

    Pour désespérante que soit cette situation, elle n'est pas désespérée. La France a de nombreux atouts : il lui faut se réveiller avec ses citoyens, pour relever la République. Pour cela, nous ne pouvons pas confier le destin du pays à ceux qui nous ont fourvoyés. En ce début de XXIème siècle, il faut changer la donne afin de préparer un avenir pour notre jeunesse.

    Né de notre double refus du traité de Maastricht en 1992 et de la première guerre du Golfe, le Mouvement Républicain et Citoyen fondé par Jean-Pierre Chevènement n'a jamais abdiqué face aux événements. Nous avons toujours su privilégier le positionnement de fond aux postures opportunistes. Sur les grands sujets (industrie et emploi, éducation et recherche, laïcité et intégration, Europe et mondialisation), nous avons toujours fait le choix de la cohérence et de la fidélité à nos idées. C'est le sens de notre programme de Salut public (consultable sur http://www.mrc-france.org/ ) qui entend rendre au peuple sa souveraineté et à la puissance publique ses capacités d'action. Nos analyses et nos propositions étaient pertinentes hier, elles sont incontournables aujourd'hui !


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  • Jean-Pierre Chevènement face à la rédaction de Nice Matin En réserve de la République, mais certainement pas sur la touche. Avec des convictions toujours aussi ancrées, Jean-Pierre Chevènement sème en ce moment les petits cailloux qui lui permettront « le moment venu » de s'aventurer sur le chemin tortueux qui mène à l'Élysée. Ses cailloux à lui, ce sont ses idées, égrénées au fil des 310 pages de son nouveau livre au titre évocateur, La France est-elle finie ?. Souveraineté, République, Nation : des valeurs majuscules que Chevènement défend inlassablement, rencontre après rencontre, dédicace après dédicace comme hier après-midi à Nice. Malade d'« une France qui ne s'aime plus », pourfendeur d'une « gauche française ralliée au néolibéralisme », le sénateur du Territoire de Belfort n'exclut pas d'incarner lui-même la « candidature alternative » qu'il appelle de ses vœux. Un brin superstitieux (« en 2001, je m'étais déclaré un 4 septembre, le jour de la proclamation de la IIIe République »), il se décidera avant la fin de l'année. « Il faut qu'un espace s'ouvre », confie avec un ton professoral celui qui rappelle avoir réuni sur son nom « un million et demi de Français au premier tour de la présidentielle de 2002 ». Déçu de ne pas bénéficier d'une exposition médiatique plus forte, enrageant de « ne même plus figurer dans les sondages où apparaissent des gens que je ne connais même pas », Chevènement croit autant en ses idées qu'à son destin. Mais où diable se situe-t-il sur l'échiquier politique ? « Au dessus ». Tout est dit, sans modestie de façade. Pour lui, c'est sûr, « l'avenir est ouvert ». Et puis, glisse-t-il au détour d'une question, « j'ai atteint l'âge où on peut devenir président de la République... »

    Denis Carreaux, rédacteur en chef.
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    « La dérégulation de l'économie a provoqué la désindustrialisation de la France »

    Nice-Matin: La France serait-elle en meilleure santé si la gauche vous avez écouté en ne prenant pas le tournant de la rigueur en 1983 et en refusant le traité de Maastricht ?
    Jean-Pierre Chevènement:
    La crise de la France est ancienne, elle date de l'après Première guerre mondiale. Mais, dans les années 80-90, la gauche, en choisissant de passer un compromis avec le néolibéralisme triomphant, a accepté la dérégulation et la libéralisation des mouvements de capitaux qui expliquent largement les délocalisations de ces dernières années. Elle a mis le doigt dans un engrenage qu'on pouvait éviter à l'époque : la France pesait encore assez lourd en Europe pour imposer un système d'économie mixte.

    La crise du capitalisme financier vous donne, en quelque sorte, raison 25 ans plus tard...
    C'est la dictature de l'actionnariat qui l'a emporté, une dérégulation de l'économie qui a provoqué la désindustrialisation de la France. Quand j'étais ministre de l'Industrie, celle-ci pesait 30 % de la valeur ajoutée contre 13 % aujourd'hui. Comment un pays dont la base productive se rétrécit à ce point peut préserver ses retraites ou son assurance-maladie ?
    Peut-on réindustrialiser ?
    Il est toujours difficile de remonter la pente quand on l'a dévalée ! On aurait, en tout cas, pu maintenir en France davantage d'usines d'assemblage, consacrer plus de moyens à la recherche et ne pas faire la part belle aux délocalisations. Les Allemands, eux, ont sous-traité dans les pays d'Europe centrale mais ont gardé la maîtrise de l'assemblage, ils ont des positions monopolistiques dans beaucoup de domaines, tout cela leur assure un excédent commercial de 150 milliards, à l'inverse la France connaît un déficit de 52 milliards.

    Les 35 heures ont-elles joué dans ces délocalisations ?
    Les 35 heures ont certainement pesé sur nos coûts à un moment où les Allemands prenaient une position inverse en comprimant les salaires. Mais c'est la surévaluation de notre monnaie - le franc, puis l'euro fort - qui a constitué le facteur décisif.

    L'essentiel de nos problèmes vient donc de l'euro fort ?
    Une monnaie surévaluée est très pénalisante pour l'industrie en nous faisant perdre des parts de marché à l'exportation. Et c'en est fini des ajustements maintenant qu'il est impossible de dévaluer. Plutôt que les plans de rigueur qui sont aujourd'hui avancés, je propose des politiques économiques harmonisées et privilégiant la croissance.

    Pour desserrer l'étau de l'euro, vous demandez la révision des statuts de la Banque centrale européenne ou la réglementation des marchés des devises. On n'en prend pas le chemin...
    Si ce plan A, d'une réforme à froid, ne marche pas, il faut garder un plan B sous le coude. S'il y a une crise qui met l'Espagne voire l'Italie en dehors de l'euro, la France ne pourra pas résister, entre l'Allemagne d'un côté et ces pays qui deviendront hypercompétitifs. Notre voisin d'outre-Rhin sera alors bien obligé de discuter d'une réforme.

    L'Allemagne ne peut-elle pas être tentée par le cavalier seul avec son économie dominante ?
    Politiquement, cela ne la conduirait nulle part. Elle est aussi tributaire des marchés européens où elle exporte 70 % de sa production.

    Primaires socialistes : « Rien ne paraît clair »

    Quand on vous lit, quand on vous connait, on ne voit pas comment vous pourriez soutenir DSK.
    Et quand vous connaissez DSK aussi. Mais il faut faire confiance à la perfectibilité de l'être humain. La gauche est un optimisme, fondamentalement. Il faudrait donc que Dominique Strauss-Kahn trouve son chemin de Damas. Mais les choses seront différentes de ce qu'elle sont aujourd'hui lorsqu'il se sera porté candidat.

    Les primaires socialistes sont-elles une bonne idée ?
    J'ai été très surpris par la manière dont Martine Aubry a déclaré qu'il n'y aurait pas de concurrence entre elle et DSK. On a parlé d'un pacte de Marrakech auquel Ségolène Royal semblait un moment s'être ralliée.

    Elle a changé d'avis depuis car elle est en campagne...
    C'est exact, mais même Martine Aubry ne paraît plus aussi sure, si j'en juge par les appels venant de ses amis. Rien ne paraît clair. Je ne sais plus très bien à quel saint il faut se vouer.

    Quel candidat socialiste est compatible avec le MRC ?
    Pour le moment, si j'en juge par le fait qu'il vaudrait mieux se fier à quelqu'un qui ne nous ait pas mis dans l'ornière, pour pouvoir nous en sortir, je n'en vois pas un qui soit absolument sans défaut.

    Pensez-vous trouver mieux au Front de gauche ?
    Jean-Luc Mélenchon a fait un parcours méritoire depuis le traité de Maastricht qu'il avait approuvé mais il lui reste encore à comprendre que la souveraineté nationale et pour tout dire la France est un levier indispensable si on veut faire bouger l'Europe, la redresser, et que la France redevienne le modèle républicain qu'elle n'aurait jamais du cesser d'être.

    Quelles relations avez-vous avec le PS ?
    Le MRC a une influence sur une frange du PS et certains n'hésitent pas à la reconnaître comme Arnaud Montebourg, Manuel Valls qui, dans le domaine de la sécurité me déborde quasiment, ou François Hollande.

    Un candidat unique à gauche c'est possible ?
    Le bon candidat pour la gauche serait celui qui a tenu compte de tout ce qui s'est passé depuis 1981, de la crise et des leçons de la crise, et capable d'anticiper assez loin pour nous donner des raisons d'espérer.

    La gauche peut-elle échouer en 2012 ?
    Les sondages ne sont pas porteur pour Sarkozy qui bénéficie d'un exceptionnel discrédit. Il faudrait que la gauche en fasse beaucoup pour ne pas l'emporter.

    « Vers une candidature en 2012 ? »

    Au début du mois de janvier, vous avez évoqué votre candidature potentielle à l'élection présidentielle de 2012 ? Où en est votre réflexion ?
    Le MRC peut avoir d'autres candidats que moi ! Je crois à une candidature alternative. Je crois qu'il faut porter à la tête de l'Etat quelqu'un qui ait clairement à l'esprit un besoin de changements politiques. Il ne faut pas confier les rênes de l'Etat à des gens qui nous ont égarés. Pour sortir de l'impasse il ne faut pas faire confiance à ceux qui nous y ont conduits.

    Quelles circonstances vous inciteraient à vous présenter ?
    Je demanderai aux candidats potentiels du Parti socialiste de se positionner. Si la parenthèse libérale ouverte en 83 dont parle Lionel Jospin et qui n'a jamais été vraiment refermée demeure, il faudra imaginer un troisième homme et faire en sorte qu'il ait une chance de l'emporter. Il représenterait une autre politique : avec sagesse, subtilité, sens de l'Etat et en même temps en prenant clairement ses distances avec des politiques qui ont échoué ou avec des tropismes politiques erronés dans des domaines variés comme la sécurité ou l'école. Des tropismes qui ne permettent pas de gouverner la France car la France est très difficile à gouverner. La gauche a un vrai travail à faire là-dessus. Car elle ne doit pas seulement gagner elle doit aussi réussir. Je considère par ailleurs que pour être candidat il faut avoir une chance de gagner.

    Quels seraient les contours de votre programme ?
    Je n'aurai pas grand-chose à changer à mon discours de 2002. Il faut un redressement de la construction européenne et relancer la politique industrielle de la France. Sur l'école, le civisme, la sécurité, le rôle de la France en Europe et dans le monde : mes propos de 2002 me paraissent valables. Il faudrait actualiser car dix ans ont passé. Mais je n'ai pas de raison de changer les orientations de fond. J'étais en avance en 2002. En 2012, le discours pourrait être adéquat.

    Certains vous font porter le poids de la défaite de la gauche le 21 avril 2002. Quel est votre regard aujourd'hui ?
    Vous savez c'est une défausse facile. On cherche un bouc émissaire à une défaite qu'on devrait s'attribuer à soi-même. Quand un projet recueille 11 % d'approbation chez les ouvriers, c'est qu'il y a quelque chose qui ne va pas dans le projet lui-même. Ce n'est pas la peine de s'en prendre à Pierre, Paul, Jacques ou Jean-Pierre ou Christiane !

    Quand vous prononcerez-vous ?
    Avant la fin de l'année 2011 !

    Où vous situez-vous sur l'échiquier politique ?
    Au-dessus ! Les Français souffrent de ne pas avoir de perspective. Je constate que le courant de pensée que je représente et qui a obtenu 1,54 million de voix en 2002 n'est pas reçu à l'Elysée alors qu'on reçoit M. de Villepin qui pourtant ne s'est jamais compté dans une élection. Je constate que les sondages ne mentionnent jamais mon nom ! C'est frappant ! Alors qu'on cite gens inconnus, des personnes que je ne connais même pas.

    Comment analysez-vous le succès de votre livre ?
    C'est le signe que mes idées intéressent.

    « Beaucoup de gens rejettent l'image que la droite et la gauche donnent en Corse »

    Lors des dernières élections territoriales en Corse, un électeur sur trois a voté nationaliste : cela vous surprend ?
    Beaucoup de gens rejettent l'image que la droite et la gauche donnent en Corse. Il y a là une carence sur laquelle il faut s'interroger. Je constate quand même qu'une majorité de Corses a rejeté le projet de statut de territoire d'outre-mer concocté depuis les accords de Matignon pour la Corse en 2003. Il y a donc une majorité de Corses qui, contre l'avis de tous les partis de droite et de gauche y compris les partis indépendantistes, ont dit « non on veut rester français avec des départements ». C'est quand même quelque chose qui en dit long. Ce serait aussi une erreur de vouloir revenir sur les affaires de statut. Je crois percevoir un certain danger qui consisterait à vouloir rouvrir la question du statut de la Corse qui n'a jamais conduit nulle part. La priorité en Corse c'est le développement économique, l'enseignement, le développement de l'esprit public, du civisme, du respect de la loi. Tout cela est parfaitement compatible avec l'identité culturelle particulière de la Corse qu'il ne faut pas opposer à l'identité républicaine.

    La Corse bat chaque année des records en matière d'homicides, aujourd'hui comme à l'époque où vous étiez ministre de l'Intérieur. Avoir privilégié la lutte contre les attentats nationalistes au détriment des crimes de droit commun, n'est-ce pas une erreur de tous les gouvernements ?
    Souvent les deux se sont confondus. A une certaine époque, en particulier dans les années 80 et 90, l'interpénétration entre les mouvements indépendantistes et le grand banditisme était forte.
    La loi doit être respectée par tous. Il n'y a pas lieu de distinguer un assassinat selon qu'il est commis pour des mobiles idéologiques ou bassement intéressés. De toute façon il faut condamner toute espèce de recours à la violence et tout homicide. Je n'oublie pas qu'on a quand même abattu un préfet de la République, Claude Erignac, qui se promenait sans aucune protection la nuit dans une rue d'Ajaccio. Ce n'était pas un acte courageux et c'est une litote.


    Débat animé par Denis Carreaux, rédacteur en chef ; André Fournon, secrétaire général de la rédaction ; Philippe Courtois, directeur du développement éditorial et Eric Néri, adjoint au directeur départemental des Alpes-Maritimes


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  • Jean-Pierre Chevènement, nouveau président

    de l'association France-Algérie

    L'Assemblée générale, le Conseil d'administration de l'Association France-Algérie, réunis le 31 janvier 2011 à Paris, ont porté à la présidence de celle-ci Monsieur Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre, sénateur du Territoire de Belfort.

    L'Association France-Algérie a été créée à l'initiative du Général de Gaulle en 1963. Elle a pour but le développement des relations amicales et le progrès de la coopération entre Français et Algériens.

    Son premier Président a été M. Edmond Michelet.


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