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Par mrcnanterre le 12 Janvier 2011 à 11:58
Pensées libres
« La France est-elle finie ? »
Aujourd'hui, dans l'Essai du jour : Jean-Pierre Chevènement, La France est-elle finie ?
« La France est-elle finie ? » Avouez que c'est une drôle de question. D'autant que le mot « fini » est ambivalent. Il peut signifier c'est fini, c'est terminé, on passe à autre chose. Ou alors, ce type là, il n'est pas fini. La France étant une personne, il est possible de jouer sur les deux tableaux. En 1999, le Général Gallois, disparu récemment à 99 ans, le père de la dissuasion nucléaire, avait commis un livre intitulé La France sort-elle de l'Histoire ?. Encore une question bien embarrassante. Elle croise l'interrogation de Jean-Pierre Chevènement qui s'inquiéte à juste titre - c'est le cas de le dire - du destin historique de notre pays. Son livre est une vraie leçon d'histoire tournée vers l'avenir.
Mais pour discuter d'un sujet, il convient de se mettre d'accord sur les prémisses. Nous assistons peut-être aujourd'hui à une fin de l'histoire, en un sens inédit. Le présentisme qui donne à la modernité un sens exclusif contribue à refouler le passé et à l'englober dans un mépris global. Le discours moral et juridique tend à rabattre la totalité de l'histoire sur les valeurs du présent. Le grand partage entre victimes et bourreaux devient la grille de lecture des événements passés, lesquels sont rétrospectivement criminalisés et suscitent contrition d'un côté et demande de réparation de l'autre. Dès lors que le passé n'est plus qu'une suite d'horreurs, on cherchera à le solder.
Ces considérations sont au cœur du livre de Jean-Pierre Chevènement. Mais elles ne sont pas générales. La sortie de l'Histoire n'est pas fille de la providence. Elle est notre histoire. Le week-end nostalgie au cimetière de Jarnac ne doit pas nous aveugler. Quinze ans après la mort de François Mitterrand, son héritage et ses ambiguïtés pèsent encore. Jean-Pierre Chevènement pense la crise de 2008 et ses conséquences à l'aune de choix antérieurs : 1983, bien entendu, le tournant « libéral » de la gauche, mais aussi des choix plus anciens qui expliquent l'européisme béat d'une partie de la gauche, mais pas seulement elle.
Et parmi ces choix, il y a le parcours de François Mitterrand avant, pendant, et après la deuxième guerre. Et là, je dois dire que le lion de Belfort vise juste. Il est raccord. Cycles et visions sont au rendez-vous. Si le social-libéralisme et l'Europe ont pu être soutenus par des discours pieux - ceux de Jacques Delors en particulier, cela tient au pari pascalien de Mitterrand. Il y a selon Chevènement une théologie de l'Europe chez Mitterrand qui s'enracine dans le souvenir des deux guerres, l'isolement de la France dans les années 1930, et la défaite militaire de 1940. Mitterrand qui fut résistant à partir de 1943, mais pas gaulliste - il fut proche de Giraud et des Américains - a pris une fois pour toutes la mesure de la France. « Elle ne peut plus, hélas, à notre époque, que passer à travers les gouttes », confia-t-il en 1979 à Jean-Pierre Chevènement.
C'était sans compter sur la pluie néolibérale et les relations tumultueuses franco-allemandes. Car les gouttes sont devenues une immense flaque sur laquelle tout le monde glisse. Chevènement remonte donc le fil de l'Histoire afin de la faire bifurquer dans une autre direction. Il est un des rares hommes politiques à se confronter à des philosophes et écrivains allemands. Son dialogue avec Peter Sloterdijk est une invitation à ce que chaque peuple se réapproprie sa propre histoire. Que l'Europe redevienne vraiment européenne et que nous puissions ensemble continuer l'Histoire. « Ou bien l'Allemagne cédera à l'illusion du cavalier seul », écrit-il.
Voilà un des aspects du contenu de ce livre sur lequel chacun peut méditer : continuer, c'est aussi ne pas céder. À quoi dira-t-on ? Au fait de ne pas passer entre les gouttes...
(1) Jean-Pierre Chevènement, La France est-elle finie ? Fayard, 19 euros
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Par mrcnanterre le 3 Janvier 2011 à 10:45
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Par mrcnanterre le 31 Mai 2010 à 15:08
édition J'ai lu
Là où les tigres sont chez eux
de Jean-Marie Blas de Robles
Connaissez-vous Athanase Kircher? Un personnage qui a vécu au XVIIème siècle qui assura tous les savoirs de son époque.
Eléazard von Wogau, historien-romancier veut le faire revivre. Mais en même temps, comme chacun, il doit gérer ses amours, sa fille passablement disjonctée, les souvenirs de son ex femme. 800 pages d'un roman picaresque ou, évènement très rare pour un ouvrage de cette épaisseur, rien est en trop. Jean-Marie Blas de Robles a construit durant dix ans cette somme d'érudition, loin des quatre livres annuels que nous octroient certains écrivains de seconde zone. L'ensemble nous fait penser à Fuente, à Eco.
Précipitez-vous pour lire ce prix Medicis 2008 amplement mérité.
Norbert Eche
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Par mrcnanterre le 5 Mai 2010 à 11:40
"La défaite de la pensée" de Alain FINKIELKRAUT
Extrait choisi par Catherine : "La barbarie a donc fini par s'emparer de la culture. A l'ombre de ce grand mot, l'intolérance croît, en même temps que l'infantilisme. Quand ce n'est pas l'identité culturelle qui enferme l'individu dans son appartenance et qui, sous peine de haute trahison, lui refuse l'accès au doute, à l'ironie, à la raison, à tout ce qui pourrait le détacher de la matrice collective, c'est l'industrie du loisir, cette création de l'âge technique qui réduit les oeuvres de l'esprit à l'état de pacotille (ou, comme on dit en Amérique, d'entertainement). Et la vie avec la pensée cède doucement la place au face-à-face terrible et dérisoire du fanatique et du zombie."
Merci à Catherine de nous faire partager ses lectures et réflexions, nombreuses dans la position de décubitus forcée où elle se trouve actuellement. En cause une très mauvaise chute d'escalier lors d'une distribution de tracts au cours de la dernière campagne des Régionales (Non le militantisme n'est pas un long fleuve tranquille !). Si nous lui souhaitons de retrouver dans les meilleurs délais, l'usage de sa jambe et de son pied, nous ne saurions lui conseiller d'arrêter de lire.
BB
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Par mrcnanterre le 4 Mai 2010 à 14:56
Edition Rivages/Noir
"GB 84" de David PEACE
Chronique romancée et noire de la grève des mineurs du Yorkshire qui dura un an à partir de mars 84.
Pafaite description de la guerre totale décidée par Margaret Thatcher, afin de briser à tout prix le mouvement syndical.
Le nord industriel de la Grande-Bretagne finira plongé dans un désespoir absolu. Ce conflit le plus violent de l'après-guerre débouchera sur un libéralisme triomphant, et une financiarisation de l'économie dont on a vu où elle pouvait mener.
A méditer.
Commentaire de Catherine MOURET
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